Ce texte ayant pour thématique « Actualité française » circule sur internet, nous avons projeté de vous le dévoiler dès à présent.
De prime abord, Tim Willocks et Caryl Férey n’ont pas grand-chose en commun. D’un côté, le géant de Manchester, blond aux airs de faune, une carrure de brute, à l’allure inquiétante. De l’autre, le félin volubile venu de Bretagne, bondissant sur ses Dr. Martens en souriant à l’avenant. Le premier parle lentement, d’un timbre issu des profondeurs. Le second a un débit de mitraillette. Mais à y regarder de plus près, des ressemblances se dessinent. D’abord, il y a leurs yeux, bleu phosphorescent pour Willocks, gris de mousse pour Férey. Quand le soleil du crépuscule romain fait flamber leurs pupilles, le concours de billes, topaze contre émeraude, est fascinant.
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Ensemble, ils viennent d’écrire Le Steve McQueen, bref roman policier publié par les éditions Points, en partenariat avec Quais du Polar, qui propose chaque année à deux auteurs, l’un français et l’autre originaire du pays invité du festival, de se livrer à l’exercice de l’écriture à quatre mains. Le résultat de leur collaboration est bluffant : Le Steve McQueen est une aventure à la Tarantino sur fond de braquage de diamants, dans laquelle deux héros liés par une vieille amitié tentent de déjouer les plans d’un mafieux retors.
Les doigts des écrivains serrent des clopes roulées qu’ils fument au kilomètre. Ils trinquent au prosecco et se tiennent comme deux frères, épaule contre épaule. On dirait qu’ils se connaissent depuis toujours, mais leur amitié s’est tissée au gré d’une poignée de festivals littéraires. « On a pris suffisamment de cuites ensemble pour pouvoir dire qu’on se connaît bien. Quand tu te vois en mode foufou, tu sais comment est l’autre… », raconte Caryl Férey.
Échapper à la discipline des institutions
C’est la première fois qu’il se rend chez Tim, à Rome, où l’écrivain anglais vit avec sa femme, la réalisatrice italienne Valentina Bertuzzi et leur petite fille, Nicole, au rez-de-chaussée d’un bel immeuble du quartier tranquille du Monteverde. Une série de pièces en enfilade à la décoration bohème et chaleureuse, où résonne du jazz. Il y a partout des lampes tamisées, des guitares, des fleurs et des branches aux murs. Dans le jardin, trois orangers couverts de fruits, « très amers, dit Tim Willocks, parfaits pour la marmelade ».
Nous sommes le 29 février, mais il fait assez chaud pour manger dehors. La belle-famille de Tim Wililocks arrive pour déjeuner, la table déborde de mozzarelle, de tomates, de jambon de Parme. Tout est délicieux, on mange trop, erreur, ce n’était que l’entrée : Valentina sert sa pasta all’amatriciana. Entre les pâtes et le tiramisù, Tim Willocks raconte son cheminement vers le métier de romancier. Né en 1957 à Stalybridge, dans le Grand Manchester, fils d’un père maçon et d’une mère au foyer, il a grandi en dévorant les westerns. « Entre 11 et 15 ans, j’en ai écrit plusieurs. Mais il ne m’est pas venu à l’esprit que je pouvais devenir écrivain… » Bon élève, il fait des études de médecine. Il ne commence à écrire qu’au début des années 1990, quand il s’éloigne de son métier de psychiatre, après avoir exercé en pédiatrie, en chirurgie, en orthopédie…
S’il partage avec Tim Willocks des racines populaires, Caryl Férey, 56 ans, fils d’une commerçante et d’un VRP, a su très tôt qu’il voulait vivre de sa plume. Dans Comment devenir écrivain quand on vient de la grande plouquerie internationale (Points, 2022), il raconte comment, ado, il écrivait déjà « des histoires pour ses potes ». Il a publié son premier livre à 26 ans, Avec un ange sur les yeux, « l’histoire d’un écrivain qui faisait des boulots merdiques en attendant d’être édité ». Le premier grand succès arrive en 2004, avec Utu.
En devenant écrivains, les deux hommes aspirent à la même chose : échapper à la discipline des institutions. « La médecine, ce sont des protocoles : aucun chirurgien, au moment de procéder à un pontage, ne va dire : “Ah, j’ai une idée géniale, allez, je tente !” », explique Tim Willocks, pince-sans-rire. Caryl Férey approuve : « En termes de discipline, je suis une machine, à condition que ce soit moi qui me l’impose. »
Caryl Férey, repères
1967 Naissance à Caen, que sa famille quittera pour la Bretagne.
1994 Premier roman, Avec un ange sur les yeux (Balle d’argent).
2005 Utu (Gallimard), prix SNCF du Polar.
2008 Zulu (Gallimard), Grand Prix de littérature policière.
2012 Mapuche (Gallimard), prix Landerneau.
2022 Coécrit le scénario de Kompromat, de Jérôme Salle.
2023 Okavango (Gallimard).
Tim Willocks, repères
1957 Naissance à Stalybridge (Grand Manchester).
1975 Études de médecine.
1991 Premier roman, Bad City Blues (Points).
1999 Adaptation au cinéma de Bad City Blues par Michael Stevens.
2006 La Religion (Sonatine).
2013 Les Douze Enfants de Paris (Sonatine).
2019 La Mort selon Turner (Sonatine), Prix Le Point du polar européen.
La mèche et l’allumette
Les deux écrivains aiment partir loin, dans le temps ou dans l’espace. Tim Willocks s’est fait notamment connaître avec La Religion (2006) et sa suite, Les Douze Enfants de Paris (2013), des romans historiques campés à la Renaissance. Sa Mort selon Turner (prix Le Point du polar européen 2019) est un polar contemporain situé en Afrique du Sud. Le goût du voyage anime l’intégralité des livres de Caryl Férey. Lui aussi a exploré l’Afrique du Sud (Zulu, 2008), puis l’Argentine (Mapuche, 2012), le Chili (Condor, 2016), la Sibérie (Lëd, 2021)… Avant même qu’on ne la lui pose, il balaie de la main l’épineuse question de l’appropriation culturelle : « Ne pas pouvoir se mettre dans la peau d’un Noir parce qu’on est blanc, d’une femme parce qu’on est un homme, c’est la mort de l’imagination », s’énerve celui que Tim Willocks surnomme The Little Devil, « le petit diable ». Sur la question de l’appropriation culturelle, le Britannique le rejoint : « Conneries », tranche-t-il de sa voix d’outre-tombe.
La rencontre de ces deux plumes est celle de la mèche et de l’allumette. Deux mots reviennent sans cesse dans leurs échanges en anglais : « fun » et « rock’n’roll ». Tous deux écrivent des textes très noirs, hantés par la brutalité. Avec Le Steve McQueen, ils se sont autorisés à décliner leur goût pour la violence sur un mode comique. Les chapitres écrits par Tim sont remplis d’humour noir, d’après lui typiquement manchesterien : ironique, distancié, un peu vachard. Ceux de Caryl Férey sont fiévreux, romantiques et burlesques. Chacun a lorgné l’autre pour ses scènes de violence : « Le nombre de cadavres qui parsèment les chapitres de Caryl m’a rendu jaloux », dit Willocks. « La scène où mon héros dépèce un macchabée dans une chambre froide pour forcer la porte avec la broche qu’il avait dans la cuisse, c’est en hommage à tes histoires, lui répond Férey. En écrivant, je me disais : “Vas-y, Caryl ; Tim, toi, ta gueule !” »
« Badass »
Il n’y a pas que des blagues dans ce Steve McQueen. Le personnage imaginé par Tim Willocks, Ged Mackie, ancien soldat de la Légion étrangère, rencontre sa fille Jada, jeune adulte qu’il voit pour la première fois. Bon sang ne sachant mentir, elle se montre encore plus badass que lui. Mais son regard sur le monde est désespéré : « Ma génération va assister à la fin de la civilisation », déclare-t-elle à son père. Voici ce qui fend le cuir des deux rockeurs : chacun est père d’une fille unique. Quand on leur demande s’ils ont peur de l’avenir, ils ont la même réponse : pour eux, non. Pour leurs filles, oui. « Notre espèce a créé des forces que nous ne contrôlons plus. L’économie, l’atome, l’IA et cette bonne vieille religion : les périls sont immenses », exprime Tim Willocks. « La religion, j’ai cru que c’était fini, mais elle revient en force, déplore Férey. Dans le fond, la seule chose qui ne change pas, c’est l’amour… » Est-ce le romantisme qui tient Tim debout, comme Caryl ? « Moi, je suis anglais. Je ne peux pas prétendre être un joli cœur comme mon ami », conclut-il, et son rire se noie dans la fumée d’une cigarette §
« Le Steve McQueen », comédie noire
Ged, ancien soldat de la Légion étrangère, rentre chez lui à Manchester où l’attend une fille adulte dont il ignore tout. Mais Sol, son meilleur ami, est kidnappé par Vogel, un mafieux opérant depuis Lyon. L’affaire prend ses racines dans une histoire de braquage de diamants, qui dorment dans le « Steve McQueen », un casque de moto… Ged embarque pour la France avec Jada, prête à en découdre. On croisera dans ce roman fougueux une impressionnante matriarche, des cascades, un homme nu dans un champ de tournesols, des tonnes de cadavres et une grande histoire d’amour. What else ?
« Le Steve McQueen », de Tim Willocks et Caryl Férey, traduit par Benjamin Legrand (Points, 192 p., 11,90 €).
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